Contrôle technique de départ en vacances
S'il y a une chose à comprendre sur les marchés, c'est qu'ils ne suivent pas toujours le bon sens dicté par les fondamentaux. Sur le court-terme, ils passent leur temps à exagérer, aussi bien à la hausse qu'à la baisse, avec des narratives générées a posteriori et relayées en boucle par les médias financiers, à partir d'informations qui au fond ne sont pas essentielles. Tentative de décryptage qui n'est en rien une recommandation d'investissement.
Quelques chiffres clés
Les chiffres de création d'emplois par le secteur privé américain (ADP report) du mois de Juin ont été publié le 6 Juillet 2023. Et ils sont bons puisque 497 000 emplois ont été créés, soit un point haut depuis Février 2022. Le jour suivant, les chiffres de la masse salariale non agricole (non farming payroll ou NFP) du mois de Juin sont tombés et ils sont en deçà de ce que les économistes avaient prévus : 209 000 emplois créés contre 225 000 estimés. Cette différence s'explique par la prise en compte des emplois gouvernementaux dans le NFP. Parmi les chiffres publiés dans le NFP, l'évolution des salaires horaires en années glissante est rapportée : +4,4% d'augmentation contre +4,2% prévue. Donc plutôt une bonne nouvelle pour l'économie américaine, d'autant plus que les chiffres de construction de logements et d'achat d'automobiles sont solides.
Le paradoxe
Aussi bizarre que cela puisse paraître, de bonnes nouvelles pour les citoyens ordinaires peuvent entraîner des conséquences négatives pour les actifs financiers, ce qui se répercute à nouveau sur les citoyens. En effet, la Réserve fédérale américaine (FED) interprète ces signaux comme une économie en surchauffe, susceptible de maintenir une inflation élevée. L'inflation est à +3% en glissement annuel en juin, encore au-dessus de l'objectif de 2% fixé dans le mandat de la FED. De plus, Jerome Powell a exprimé son intention de reprendre le cycle de hausse des taux d'intérêt plus tard dans l'année. Si cette hausse se concrétise, l'économie ralentira et avec elle, la destruction des emplois.
Les optimistes diront : mais si les gens ont du travail et gagnent en pouvoir d'achat, ils peuvent ainsi le dépenser dans l'économie réelle et cela participe à une hausse des bénéfices des entreprises américaines non ?
Quelques contre-exemples
Allons voir de plus près avec des illustrations concrètes de consommation aux US : Baisse des prix sur les sites e-commerces

Les prix pratiqués par les sites d'e-commerce ont chuté de 2.6% en Juin en année glissante. C'est la plus grosse chute enregistrée depuis Mai 2020 et elle marque le dixième mois consécutif de déclin. Les catégories de produits les plus impactées ont été les appareils informatiques et l'électronique grand public (respectivement -12,9% et -16,9%). C'est pas bon signe pour Nvidia, Apple et Samsung...
Séjour à Disney

Des familles à l'avenir radieux devraient passer du bon temps en famille à Disneyland n'est-ce pas ? Chose inédite en 2023 : le Walt Disney World d'Orlando n'a jamais eu aussi peu de temps d'attente. C'est soit une amélioration inouïe dans la gestion des foules, soit il y a moins de touristes qui acceptent de se faire pressurer par Mickey.
Biens discrétionnaires non essentiels

Les consommateurs achètent en effet de moins en moins de biens discrétionnaires non essentiels, ce qui dénote une redirection de leurs ressources financières vers d'autres postes de dépense jugés plus essentiels.
Crédit à la consommation
Et si on regarde du côté de l'endettement des ménages :

En avril, l'endettement lié au crédit à la consommation a connu une augmentation de 13,5 milliards de dollars, portant le total de cette catégorie de crédit à un niveau historique record de 1 244 milliards de dollars.
Épargne des ménages
Concernant l'épargne des ménages américains, la situation est alarmante :

Les ménages américains ont une épargne négative ! Ils doivent plus d'argent que la valeur de l'ensemble de leurs actifs. On dirait qu'ils ont dû faire appel à toutes leurs ressources financières pour faire quelque chose... mais quoi ? Peut-être de l'essence pour leurs voitures pour aller travailler et de quoi nourrir et chauffer leurs enfants dont le coût est de plus en plus exorbitant ? Bref, les postes de dépenses essentiels voire vitaux. Avec une disponibilité de liquidités déjà très limitée, il est difficile d'entrevoir des perspectives favorables pour la consommation dans les mois à venir.
Clubs... et restaurants :
Un autre signe absolument imparable : les métriques opérationnelles de RCI Hospitality, une des rares entreprises cotées spécialisée dans l'hospitalité pour adultes.

Une page d'accueil institutionnelle de RCI Hospitality qui pose le décors.

Les ventes moyennes par club sont en chute libre, suggérant que les consommateurs ont de moins en moins d'argent à dépenser même dans les services essentiels pour la gente masculine.
Et que font les marchés pendant ce temps ?

Les principaux indices boursiers américains (S&P 500, Nasdaq 100, Russell 2000 et l'indice des semi-conducteurs respectivement représentés par les trackers indiciels $SPY, $QQQ, $IWM et $SOXX) frôlent leurs plus hauts niveaux de l'année 2023...
Lorsqu'on compare les attentes concernant les bénéfices futurs de toutes les entreprises composant l'indice S&P 500 pour l'année prochaine avec le taux de coupon des bons du Trésor américains à 10 ans, on observe un écart prodigieux :

Le prix actuel du S&P500 implique une valorisation à plus de 18 fois les bénéfices espérées de l'année prochaine alors que les bons au trésor américain à 10 ans offrent un rendement de 1,2% ajustés de l'inflation... En d'autres termes, le S&P500 a un rendement attendu de 5.56% contre 4.2% (3% de l'inflation et 1.2% de rendement réel) de rendement nominal pour le bon au trésor. L'investisseur en actions prendrait alors tous les risques liés à l'économie, à la géopolitique, à la politique monétaire etc pour un surplus de rendement de moins de 1,4% par rapport aux obligations américaines réputées "sans risque". Posséder des actions n'a jamais été aussi risqué et peu rentable selon cette métrique : les obligations semblent bien plus intéressantes en terme de risques et profits.
En conclusion, l'objectif de cet article n'est pas de déterminer le bon moment ou la direction d'un quelconque trade. Les marchés peuvent continuer à monter pour des raisons qui nous aurions échappées. Il y a un fameuse citation de Keynes qui a dit : "les marchés peuvent rester irrationnels plus longtemps que vous ne pouvez rester solvable". En revanche, par rapport à ce que nous pouvons observer et analyser, nous concluons qu'il y a assez peu de chance pour qu'il y ait de bonnes nouvelles pour continuer à soutenir cette hausse. Notre opinion est qu'il vaut mieux posséder du cash que des actifs afin d'avoir de bonnes nuits de sommeil.

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En savoir plus sur l'auteur de l'article : Hei Hang.
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