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Hermès : rendu de devoirs

Résumé de l'article

  • Hermès a publié d’excellents résultats pour le 1er semestre 2023 avec une croissance dans son chiffre d’affaires et une augmentation de ses marges.

  • La croissance a été homogène à travers ses segments géographiques ainsi que sur ses lignes de produits.

  • Ces résultats sont un sans-faute, comparés à LVMH qui a montré un ralentissement aux Etats-Unis et un essoufflement généralisé chez Kering.

  • Hermès récolte peut-être là les fruits de sa stratégie de concentration sur une marque unique qui se positionne dans le très-haut gamme à destination d’une clientèle fortunée peu affectée par le ralentissement économique.

  • Des doutes persistent dans la stratégie de diversification dans ses lignes de produits car ces dernières s’éloignent de l’histoire du groupe.

  • Le titre est acheté suite à l’annonce des résultats, rendant les attentes encore plus élevées pour les prochains résultats et donc potentiellement risqué à investir aujourd’hui.

 

Hermès a publié ses résultats du premier trimestre 2023, le jeudi 28 juillet avant l’ouverture de la bourse de Paris. C’est l’occasion de les analyser et de mettre à jour la thèse d’investissement sur cette entreprise française du luxe.


Toujours excellente

Le chiffre d’affaires a monté de 22,3% par rapport à la même période en 2022 pour atteindre 6,698 Md d’euros. Les marges se sont améliorées puisque les marges d’exploitation et de résultat net ont atteint respectivement 44% et 33,2%, soit une amélioration de 1,9% et 3,2% par rapport au 1er semestre 2022. C’est signe que l’entreprise possède un bon pouvoir d’imposition de ses prix de ventes et une excellente gestion qui permet de contenir les coûts malgré l’accroissement de l’ensemble de ses opérations.


Hermès termine le 1er semestre avec 9,349 Md d’euros dans ses caisses et quasiment pas de dettes. Point intéressant : on observe une augmentation de la valeur de ses actifs, ce qui se traduit dans la réalité par des stocks plus importants, une augmentation du nombre de boutiques, d’entrepôts, d’ateliers de fabrication etc. C’est signe que l’entreprise se prépare à une deuxième moitié de l’année tout aussi optimiste.


Premier constat : l’entreprise a généré 2,106 Md d’euros de flux de trésorerie grâce à ses opérations. On remarque que ce flux est proche de son résultat net : ce qui est rassurant quant à la transparence sur l’audit de ses opérations.


En effet, cela réduit les risques de bizarreries cachées (en anglais "shenanigans") dans la comptabilité. Pour information, il existe des cas curieux d’entreprises profitables sur papier, si l’on regarde le compte des résultats mais qui ne génèrent par beaucoup de flux de trésorerie.


Laureate Education en est un bon exemple de déconnexion entre flux de trésorerie et résultat net :

Généralement, la différence se cache dans le bilan où les actifs et des passifs rapportés ne sont pas bien clairs et/ou fidèles à la réalité.


Deuxième constat : Hermès a investi 249 M d’euros pour préparer la suite des opérations, vraisemblablement dans l’ouverture de nouvelles boutiques, dans la rénovation de celles-ci, dans l’amélioration de ses ateliers de production etc. Par rapport aux deux semestres précédents, la dépense est dans la moyenne, ce qui n’implique rien de remarquable.


Troisième constat : la direction a décidé d’utiliser 1,384 Md d’euros (soit 74,5% du flux de trésorerie disponible) pour le versement de dividendes aux actionnaires. C’est un changement par rapport à 2022 où 120 M d’euros étaient consacrés au rachat d’actions, en supplément du versement de dividendes. Doit-on y voir le signe que la direction a une opinion de surévaluation sur le prix des actions Hermès ? Ou est-ce simplement que la famille dirigeante a besoin de liquidités pour ses prochaines vacances ? Le débat est ouvert.


Ce n’est pas la crise pour tout le monde

Quand on regarde dans le détail géographique des ventes d’Hermès, on observe une homogénéité de la croissance, en contraste avec LVMH et Kering qui rapportent un essoufflement dans le marché américain (respectivement -1% et -5%).



Pire encore pour Kering, la plupart de ses marques semble avoir atteint un plafond de croissance.


Hermès affiche également une croissance générale dans toutes ses lignes de produits, avec en tête les vêtements et accessoires (+31,8%), la bijouterie et produits de maisons (+29,0% ; classifiés dans "Autres métiers Hermès") et l’Horlogerie (21,0%). Les lignes historiques affichent encore une croissance solide : la ligne maroquinerie-sellerie a crû de 17,9% tandis que les ventes dans la soie et le textile ont augmenté de 19,4%.



2 poids, 2 mesures

Le marché a salué les résultats d’Hermès par une hausse de 8,59% par rapport au prix à la clôture du mercredi 26 juillet :


A contraster avec les réactions mitigées sur LVMH et Kering :


J’avais fait une analyse sur Hermès le 20 juillet et j’avais donné une fourchette de prix de l’action en fonction des résultats :

Nous sommes entre mon scénario de base et le premier scénario optimiste : l’estimation a été plutôt juste ! Mon intention n’a pas été de prévoir l’avenir, mais de déduire les attentes du marché. Avant l’annonce des résultats, on pouvait raisonnablement penser que les attentes étaient hautes. Toute croissance en dessous de 20% aurait été sévèrement punie.


Ce qui n’est pas étonnant : à la vue des valorisations très optimistes des 3 fleurons du marché-action français, le moindre faux-pas est puni. Hermès a réalisé un sans-faute et s’en est bien sortie tandis que LVMH et Kering avaient montré des faiblesses sur quelques points de leurs résultats et ont reçu une punition.



Mon opinion

Quoi en penser de ces réactions ? A mon avis cette réaction à chaud du marché n’a pas d’importance. L’essentiel est selon moi les fondamentaux des trois entreprises.


Positionnements : concentration versus diversification

Hermès a un modèle différent de celui de LVMH et de Kering par une concentration sur une unique marque. De plus, l’entreprise se positionne dans le haut luxe tandis que ses concurrents sont plus diversifiés dans leur positionnement, notamment dans ce que l’on appelle le "luxe accessible" qui a une relation "aspirationnelle" avec ses clients.


Un exemple pour comprendre la subtilité : on porte un sac-à-main Hermès ou Louis Vuitton parce que l’on est riche (en argent et relations), tandis que l’on porte du Gucci pour paraître riche. On peut alors trouver un premier élément de réponse quant au ralentissement observé dans certains marchés géographiques pour ces marques aspirationnelles : la clientèle ciblée est frappée de plein fouet par le ralentissement économique et l'inflation tandis que les "vrais" riches restent peu affectés et continuent d’acheter.


De plus, ce segment du luxe aspirationnel est généralement composé de jeunes qui ont grandi avec les médias sociaux et peu exposés à la culture et à l’histoire. Ces clients sont sensibles aux campagnes de communication diffusées sur ces plateformes, mais aussi les moins fidèles. Les marques en question risquent de n’être à la mode que le temps de quelques saisons avant d’être vues comme ringardes.



Diversification en lignes de produits : un pari gagnant ?

Hermès a beau se concentrer sur une marque unique mais elle tente de se diversifier dans ses produits. On remarque que la croissance entre les lignes de produits est inégale (Parfums et Beauté à 8,3% et Autres Produits à 2,2% contre des croissances à deux chiffres pour les autres lignes).


On peut avoir deux interprétations possibles selon que l’on est optimiste ou pessimiste :

- L’investisseur optimiste dira que ce sont les futurs relais de croissance pour Hermès qui va utiliser son savoir-faire pour générer de la vente dans ces marchés.

- L’investisseur pessimiste dira que Hermès aura du mal à se diversifier dans ses produits et l’entreprise va se résumer à ses sacs-à-main et ses foulards ad vitam aeternam.


Mon opinion est qu’Hermès a superbement réussi à rendre l’histoire de la marque toujours attractive de nos jours. Mais c’est aussi peut-être là sa limite : l’entreprise confectionnait des articles de cuir pour les riches et les puissants à l’époque des rois et des nobles, pas les babioles pour la maison ou les accessoires de mode où elle n’a pas de légitimité historique.


Le marché valorise les titres Hermès à un niveau encore plus élevé, cela signifie que la barre sera mise encore plus haute pour le prochain semestre. La question est alors "le monde a-t-il un besoin illimité de sacs Hermès ?"


Quant aux stratégies de diversification adoptées par LVMH et Kering, cela réclame plus d’analyse, à réserver pour les érudits des marques de luxe. Je donne mon opinion de profane au risque de me faire taper dessus par les soi-disant "experts". Je pense les marques de LVMH ont plus de cachet historique et d’aura que celles de Kering d’une manière générale. De plus, LVMH possède la marque Louis Vuitton dont l’histoire est au moins aussi prestigieuse que celle que d‘Hermès car l’entreprise clame qu’elle confectionnait les malles de voyages des rois. Cela constitue la marge de sécurité du titre LVMH.


Les 3 marques phares de Kering qui ont droit à leurs propres lignes de chiffre d’affaires dans le dernier rapport semestriel sont Gucci, Saint Laurent et Bottea Veneta. Ces maisons sont toutes créées dans les années 60 en surfant sur un certain air du temps, celui du changement des mentalités et de la transgression en l’occurrence. Dans le cas d’Hermès et de Louis Vuitton, ils peuvent tout à fait se contenter de proposer leurs lignes classiques qui sont issues de leur histoire liée aux rois et aristocrates, tandis que Kering doit sans cesse se trouver une nouvelle posture. Et le risque de cette façon d’opérer est le faux-pas, comme dernièrement celui de Balenciaga et l’utilisation d’imagerie satanique dans une campagne de pub.



En conclusion

Hermès continue à démontrer son excellence opérationnelle, malgré un contexte qui a été compliqué pour ses concurrents. Du point de vue de l’investissement, la hausse du prix de l’action place la barre pour les prochains résultats encore plus haut, rendant le risque de décevoir encore plus grand. Le fait que la direction n'ait pas procédé à un rachat d'actions peut être un signe qu'elle estime le titre comme étant surévalué et préfère laisser les actionnaires disposer des bénéfices du groupe.


Pour ma part, j’estime qu’il n’y a toujours pas eu assez de bonnes nouvelles sur le plan économique pour justifier d’une conviction acheteuse sur le titre qui est trop richement valorisé.


Cet article ne constitue pas d’une recommandation d’investissement ; l’auteur de l’article ne détient aucune position sur les titres mentionnés dans l’article.



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