La grande muraille d'inquiétudes
Résumé de l’article
La Chine a publié les données sur l’état de ses exportations et importations au mois de juillet 2023.
Les chiffres ont été décevant : les exportations ont baissé de 14,5% en juin par rapport à la même période en 2022 tandis que les importations ont baissé de 12,4%, soit pires que de ce que prévoyaient les économistes.
Dans le détail, la baisse des exportations concerne surtout les équipements informatiques, l’acier et l’habillement tandis que la hausse concerne l’automobile, les bateaux et les téléphones portables.
La tendance générale des exportations est toutefois d'une baisse notable, ce qui suggère un état délabré du commerce international.
La baisse des importations a été continuelle et jette l’inquiétude sur la reprise de la consommation domestique.
Après Evergrande, c’est au tour du premier promoteur immobilier chinois Country Garden d’être confronté à un problème de solvabilité.
140 Md $ de dettes émises par les entités provinciales chinoise viennent d’être refinancé sous l’impulsion de Pékin.
Selon le FMI, le montant total de ce type de dettes s’élève à 9,1 trillions de dollars : le gouvernement central à Pékin risque d’avoir encore beaucoup de travail.
Ce n’est pas la fin du monde, mais c’est certainement l’annonce d’une période de purge et de transition, le temps que les acteurs économiques et les autorités trouvent les prochains relais de croissance.
Les données sur les exportations et importations de la Chine pour le mois de juillet 2023 ont été publiées le 8 août 2023. Étant donné le rôle que joue le pays dans le commerce mondial, un regard s’impose afin d’en prendre la température.
Ce n’est pas la fête
Les exportations en juin ont baissé de 14,5% par rapport à la même période l’année passée, soit pire que le consensus de 12,5% et la baisse du mois de mai qui était de 12,4%. A titre de comparaison, une telle variation n’a été observée qu’en février 2020, au tout début de la pandémie du Covid !
Même son de cloche pour les importations : en basse de 12,4% par rapport à l’année dernière. Les économistes prévoyaient une baisse de 5% et la baisse au mois de mai n’était "que de" 6,8%...

En chiffres absolus pour les sept premiers mois de l’année, les importations et les exportations ont été de 1 460 Md $ (-7,6%) et de 1 940 Md $ (-5%). De quoi refroidir ceux qui prônaient le scénario de la reprise pour la deuxième économie mondiale.
Dans le détail des biens exportés, on voit une baisse généralisée avec en têtes les équipements informatiques, l’acier et l’habillement. Les hausses notables sont l’automobile, les bateaux et les téléphones portables. Mais celles-ci sont insuffisantes pour compenser la baisse.

Dans le détail des biens importés, la baisse séquentielle des importations de matières premières est remarquable. Ce qui suggèrent un ralentissement de l’activité manufacturière. Toutefois, les chiffres sont donnés en dollars et doivent être compensés par la hausse des prix de 2022. Ce qui fait qu’en quantité, les importations se sont maintenues.
| Variation annuelle en valeur | Variation annuelle en volume |
Pétrole | - 20,8% | + 17% |
Minerai de fer | - 14,9% | + 2,4% |

Un autre aspect intéressant à regarder est l’état des exports vers les Etats-Unis. Les chiffres rapportés par la douane chinoise font état d’une baisse conséquente de 23,1%. Traditionnellement, il n’y a pas de chevauchement entre les chiffres rapportés par la Chine et les Etats-Unis dû à une différence dans la comptabilisation. Mais on observe ces derniers temps que les deux courbes convergent désormais, ce qui confirme la tendance que le commerce entre les deux pays s’effondre.

Cette baisse est également observable entre la Chine et l’Union Européenne : -20,6%.
Le constat est multiple :
Ces données corroborent les tendances observées dans les résultats des entreprises de l’électronique (Samsung, TSMC).
Le commerce mondial est au ralenti et la demande pour les produits transformés est atone.
La demande intérieure en Chine est au point mort.
Et cette fois, hors de question de tout relancer par de la dépense publique car on commence à voir apparaître des retards de paiements sur les dettes vendues par les entités provinciales du pays.
Autant dire que les marchés n’ont pas apprécié :


La grande muraille de dettes
On se souvient de la débâcle du deuxième plus grand promoteur immobilier chinois Evergrande à la fin de l’année 2021. La crise était provoquée par la somme démesurée de sa dette (260 Md euros à la fin 2021) et le marché de l’immobilier qui s’était essoufflé. Un durcissement des conditions de crédit en dollars n’avait certainement pas aidé à rétablir la confiance car environs 20 Md euros de sa dette était dans cette devise.
Aujourd’hui, c’est au tour du plus grand promoteur chinois, Country Garden, d’être confronté à ce problème. Le lundi 7 août, Country Garden est entré dans la période de grâce de défaut technique sur le paiement d’intérêts de deux de ses obligations libellées en dollars. En d’autres termes, l’entreprise bénéficie de 30 jours pour redresser la situation avant d’être considérée en défaut.
La dette de l’entreprise s’élevait à 199 Md $ à la fin de 2022, dont 2,4 Md $ et 2 Md $ dû respectivement aux investisseurs domestiques et internationaux avant la fin de 2024… Même si Country Garden effectuait le paiement dû dans les 30 jours, le promoteur aura en réalité des sorties de liquidités tous les mois pour le service de sa dette.
Avec les résultats du 1er semestre qui viennent d’être publiés (7,6 Md $ de perte nette), un projet avorté d’injection de fonds propres au 1er août, on voit mal comment l’entreprise peut se rétablir.
Du côté de la dette émise par les entités publiques, Pékin a annoncé une mesure de refinancement de 140 Md $ des véhicules de financement des gouvernements locaux (en anglais "local-government financing vehicle" abrégé en LGFV). Les LGFVs servent à financer les projets d’infrastructure. Le Fond Monétaire International estime que le montant total de ces LGFV s’élève à 9,1 trillions de dollars. Autant dire que 140 Md $ est une goutte d’eau.
Le point intéressant ici est le dénouement potentiel de la conjonction de ces deux phénomènes qui avaient alimenté le miracle économique chinois dans les années 2010 : boom du marché immobilier et développement effréné de l'infrastructure.
Le boom du marché immobilier était entretenu par le développement de l’infrastructure qui valorisait des terrains et favorisait l’exode rurale, et vice-versa.
Maintenant, on risque d’avoir un cercle vicieux où l’essoufflement de l’immobilier va entraîner une baisse des projets d’infrastructure et/ou le retour sur investissement de ces LGFVs.
Va-t-on vers le scénario de la "décennie perdue" du Japon des années 90 ? C'est-à-dire un éclatement de la bulle financière conséquence des années d'excès et de mal-investissements et dont le pays s'en remet à peine aujourd'hui.
Conclusion
Ce n’est pas la fin du monde car le problème est identifié et les autorités chinoises ne vont certainement pas laisser une crise financière et économique se développer.
Simplement, la recette habituelle appliquée les fois précédentes (plans de relance par l'infrastructure) a de grande probabilité de ne pas être utilisée de nouveau. Et si elle était employée, l'effet serait certainement limité.
Il y a de grandes chances que nous soyons dans une période de purge des excès des années précédentes. Ce sera le temps où les acteurs économiques et les autorités vont chercher les prochains relais de croissance.
Cet article ne constitue pas une recommandation d'investissement

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